Création le 13 novembre 2013
L'hebdomadaire marocain TELQUEL a publié dans son numéro 588 du 3 octobre 2013 un très intéressant article de Samir Achehbar sur "Lyautey le royaliste".
Il y avait déjà l'Algérien, le Malgache, l'Indochinois, le Marocain … Effectivement, Lyautey était royaliste, au point d'avoir dans son manoir de Thorey, où il s'était retiré, une chambre meublée "Louis XVI", alors que Madame Lyautey, elle bonapartiste, avait sa chambre meublée "Empire".
Manoir de Thorey-Lyautey - La chambre de "proue" de Hubert Lyautey
Plaque posée par le Souvenir Français à l'entrée du manoir
Comme les petits Lorrains de son époque, le jeune Lyautey avait en tête son histoire de France, une France, fille ainée de l'Eglise, construite patiemment par ses rois et quelque peu défaite par le drame de 1870. En poste au Maroc, il s'est donc retrouvé comme un poisson dans l'eau, surtout qu'il avait affaire à un "Commandeur des Croyants". A-t-il été plus royaliste que le roi ?
Le "plus" que Lyautey a voulu apporter aux Marocains, était la langue française, maintenant partagée par des centaines de millions d'hommes et de femmes ; et en prime, la modernité de la culture. Mais c'est aux jeunes Marocains d'en faire le meilleur usage.
Lyautey ne touche pas à ces structures traditionnelles, il va au contraire les respecter, les protéger et imposer cette ligne de conduite à ses officiers et collaborateurs. Le résident général, avec un grand sens de la mise en scène, s’évertue à montrer son respect et sa déférence à l’égard du souverain chérifien, notamment lors des cérémonies publiques et populaires. Ainsi, les journalistes européens de l’époque rapportent souvent ce spectacle pittoresque où Lyautey tient l’étrier du cheval au sultan et reste immobile, au garde-à-vous, jusqu’à ce que le convoi royal ait quitté les lieux.
Que ce soit dans l'administration, l'urbanisme, la scolarisation, Lyautey met sa patte. En matière de religion, il est surnommé au Maroc le "Maréchal de l'Islam".
Ainsi, les mosquées, les zaouïas et les sanctuaires des marabouts vont demeurer des lieux sacrés interdits aux Européens et seront administrés comme ils l’ont été depuis des siècles. … Lyautey crée même le ministère des Habous pour gérer les biens religieux et mettre de l’ordre dans la gestion du patrimoine réservé à la rémunération des ouléma et l’entretien des lieux de culte.
En matière militaire, il se serait passé de la guerre du Rif en négociant avec Abdelkrim, mais il s'expose à l'ire du maréchal Pétain et de ses ennemis du Quai d'Orsay et de l'Etat-Major français.
La conclusion de l'auteur de l'article est, à notre avis, un peu trop pessimiste :
"Dans les villes, Lyautey crée des écoles pour les fils de notables, future élite du pays, bilingue, destinée à devenir “l’avant-garde civilisatrice”. Cette politique, qui divise les élèves selon leur rang social, est justifiée par le respect de la tradition et les particularités de la société marocaine, où le fils d’un riche commerçant ne peut partager le même banc avec le rejeton d’un miséreux paysan ou artisan."
"C’est de cette jeune élite, que l’on voulait docile, inféodée à la France et à ses intérêts, qu’émergent les leaders du nationalisme marocain. Maîtrisant la langue du colonisateur et sa culture, ils retournent contre lui sa duplicité et son discours sur les droits de l’homme et l’égalité, valables pour “l’homme européen” et non pas pour “l’indigène”. Ironie de l’histoire et comble de l’échec pour cet homme, pourtant visionnaire, qu’était Lyautey."
Mais il faut aussi savoir que quelques jours après la parution de l'article, le 17 octobre 2013, en présence de son Excellence Chakib Benmoussa, Ambassadeur du Royaume du Maroc en France, avait lieu à la Faculté de Médecine de Nancy la cérémonie d'inauguration de la plaque dédiée au docteur Benhima qui, choisi par Madame Lyautey, fut le premier étudiant marocain en médecine de Nancy, avant de faire une très brillante carrière dans son pays.
Il faut toujours commencer par le commencement, c'est à dire la formation des jeunes gens issus des élites traditionnelles, puis, immédiatement après, celles des futures élites issues du peuple.
Pour tenter de rétablir les bourses marocaines d'excellences supprimées sans raison valable en 2007 aux étudiants et étudiantes de l'Ecole Spéciale des Travaux Publics ( le meilleur et le plus important contingent étranger ), même s'il s'agit d'une affaire purement maroco-marocaine, nous sommes intervenu à l'Elysée, au Ministère de la Recherche Scientifique, à l'Ambassade de France au Maroc. Pourquoi le magazine TELQUEL ne prendrait pas notre relai afin de persuader le Ministère des Biens Habous, en remerciement à Lyautey de l'avoir créé, de "sponsoriser" quelques Bourses d'Excellence ?
L'article est avantageusement accompagné d'une biographique très complète sur Lyautey, et dont nous faisons bon usage.