PALAIS ET JARDINS ROYAUX


Palais royal de Fez

Création le 18 juin 2018

Le titre invite à la rêverie. Comment l'art des jardins a-t-il pu naître et se développer ainsi au Maroc ?  

Pour le texte : Mohamed Métalsi, né le à Tanger, Maroc, est un urbaniste, docteur en esthétique et spécialiste des villes du monde arabe et des jardins du monde arabo-islamique ... Pour les photographies :  Jean-Baptiste Leroux, photographe des villes, des palais et des jardins ... ont fait ce beau livre aux Éditions Malika sur les jardins royaux de Fès, Meknès, Tétouan, Rabat, Marrakech et Casablanca, avec l'autorisation de Sa Majesté le Roi Mohammed VI.

Le pouvoir monarchique qui régna sans discontinuer au Maroc pendant plus de mille ans assurait par la maîtrise politique et technique de l'eau le développement de ces résidences royales aux jardins merveilleux.

Véritables cités hydrauliques, Fès, Meknès, Rabat et Marrakech et leur palais étaient dotées de différentes techniques d'adduction d'eau.

Ce livre explore les jardins royaux du Maroc selon un cheminement à la fois généalogique, patrimonial et esthétique. Il en restitue la beauté et la magnificence.

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Ériger de beaux édifices et tenter de faire reculer le désert étaient le défi permanent de l'homme : l'eau et la verdure sont un luxe et suggèrent l'idée d'un paradis céleste. Le "miracle de l'eau" est une phrase récurrente dans les descriptions des Anciens.


Le palmier est l'arbre sacré par excellence. Le terme grec "phœnix" qui désigne le palmier renvoie à l'excellence. La déesse Niké (la victoire) était habituellement symbolisée par une branche de palmier. 

Niké à Ephèse
 Le Coran cite souvent le palmier : il le sanctifie et lui octroie une valeur spirituelle et un sens métaphysique.

L'eau est la source de toute vie. Le Coran cristallise la sacralisation de l'eau en y exprimant le signe de la manifestation divine. La distribution de l'eau est l'apanage de la collectivité. On la puise dans le sol et on la canalise jusqu'aux lieux d'utilisation. On peut même dire que toute culture commence par l'eau et que celui qui la maîtrise contrôle la destinée des hommes. Les oasis qui jalonnent le Sahara sont toutes pourvues de dispositifs de défense et même de fortifications : casbah, qalda, ksar sont les appellation du palais royal marocain.

MEKNÈS


   Le Prophète Mahommet a dit "Contempler trois choses revivifie le cœur :  l'onde, la verdure et le beau visage" (Hadith). Le jardin céleste, le firdaws, de l'Islam est un lieu de quiétude et de bonheur, de fertilité et de fragrance, ravi par la musique de l'eau et le parfum des fleurs. Mais c'est aussi un espace clos qui ne s'ouvre que pour les fidèles.

S'inspirant plus ou moins du plan des jardins de Babylone, les premiers paysagistes abbassides ont reproduit, plus ou moins fidèlement, le modèle du jardin persan, le tchahar bag, le jardin paradis.

De l'oasis du désert aux jardins somptueux de  l'Alhambra et du Taj Mahal, l'art des jardins en Islam est une histoire remarquable. Il a été l'une des inventions admirables, où les activités économiques, scientifiques, esthétiques, érotiques et symboliques étaient associées.

 FÈZ




L'EAU ET LES FONTAINES ROYALES

Sans eau, il n'y aurait pas eu de civilisation marocaine. Les sites de Fès, Marrakech, Rabat et Meknès, capitales d'empire et résidences royales, furent choisies dans cette perspective.

Le premier noyau de Fès aurait été fondé par Idriss 1er et ses alliés berbères en 789. La cité bénéficiait d'une eau pléthorique de l'oued Fès, eau qu'il fallait canaliser et utiliser pour ravitailler les besoins des habitants. Ibn Hawkal, voyageur, chroniqueur et géographe turc du Xᵉ siècle note : "Les marchés sont lavés quotidiennement par des ruisseaux."

Le sol était riche, et il y avait des carrières de matériaux de qualité. Le sous-sol de Fès bénéficia d'un réseau de canalisations en terre cuite à partir du XIème siècle.


 Marrakech fut construite au sein d'une grande oasis verdoyante, au milieu des terres fertiles ... Un chroniqueur médiéval décrit la fondation de la ville en 1070 : "Les chefs des tribus dirent à l'émir fondateur : nous t'avons choisi un lieu où seules courent les gazelles et où ne pousse que le jujubier ..."

Le qanât perse est une technique d'origine minière de canalisation souterraine ; il est devenu le khettara au Maroc. Au milieu du XXème siècle, le réseau souterrain des canalisations dépassait 2 000 kilomètres sur un rayon de 15 kilomètres autour de la ville.
 
RABAT

Le sous-sol contient une nappe aquifère abondante, et la ville pouvait bénéficier d'immenses jardins et vergers.


 Actuellement, ce sont les barrages modernes édifiés après l'Indépendance, sous le règne du roi Hassan II qui alimentent ces capitales historiques.


 LE VOCABULAIRE DES JARDINS

Mais d'abord qu'est-ce que c'est qu'un jardin ? Le mot "jardin" a une racine commune dans toutes les langues indo-européennes : ghorto qui signifie "clos, cloture". L'arabe a emprunté deux termes au persan bustân : bu (odeur, parfum) et estân (lieu). Le mot persan paridaiza (autour du mur) a donné "paradis".

Les jardins royaux au Maroc sont des créations majestueuses. À chaque dynastie, un style particulier. Les traditions marocaines racontent que toute la banlieue de Marrakech était particulièrement prospère et couverte de vergers et de vignobles.

Les plantations rectilignes et régulières des milliers d'arbres fruitiers étaient méthodiquement irriguées. Entre les arbres, les Marocains semaient de l'orge, des piments, des aubergines, etc ... La culture des fleurs, en particulier des roses, a pris une place aussi importante que celle des fruits et légumes.

Des édifices agrémentent les grands jardins : les kiosques. C'est une manière de tente fixe, architecture légère réservée à des plaisirs personnels. Des dizaines de kiosques embellissent les jardins des palais royaux du Maroc.

LE JARDIN INTÉRIEUR : LE RIYÂD

Ce terme s'applique généralement au jardin intérieur des palais et des riches demeures citadines. Par extension, ce terme est employé pour désigner l'ensemble des édifices qui l'entourent. Les découvertes archéologiques montrent que le riyâd s'inspire de l'héritage de la Perse, alors que le patio à péristyle est originaire du bassin méditerranéen.

TÉTOUAN




LE PALAIS ROYAL

Qu'est-ce qu'est un palais royal au Maroc ?

C'est avant tout une puissante citadelle. L'entrée principale se singularise généralement par une porte monumentale remarquable. Au dedans, c'est une succession de constructions, de reconstructions, d'embellissements et de modifications. Chaque souverain a inséré un nouveau palais, un jardin, un patio.

Chaque palais a sa genèse. La partie accessible au public, le mechouar, sert de parvis d'accueil pour les grandes manifestations et dans laquelle le souverain reçoit les hommages de ses sujets ; ensuite la salle du trône, avec le diwân, est le lieu de réception ; enfin le harem qui est le lieu intime de la famille royale. Il faut y rajouter des dépendances : hammams, cuisines, magasins, fours, etc.

MARRAKECH




CASABLANCA