LES AFFAIRES INDIGENES 2




Création le 5 février 2019

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Le « Service de Renseignements de l’État-Major  du Corps de Débarquement » s’établit à Casablanca en 1907. En 1917, par dahir (édit chérifien), il devient dépendant de la Direction chérifienne des Affaires Indigène, et en 1926, il devient le « Service des Affaires Indigènes ». L’organisation administrative des entités qui coiffent ce Service est floue et variable. Finalement ce qui émerge est le « Bureau ». L’officier type des A.I. est le chef de Bureau.

Article 1er du traité de Protectorat du 30 mars 1912 : « Le gouvernement de la République française et Sa Majesté le Sultan sont d’accord pour instituer au Maroc un nouveau régime comportant les réformes administratives,  judiciaires, scolaires, économiques,  financières et militaires, que le gouvernement français jugera utile d’introduire sur le territoire marocain … Le régime sauvegardera la situation religieuse, le respect et le prestige traditionnels du Sultan, l’exercice de la religion musulmane …»

Les premiers officiers sont formés par les Bureaux Arabes d’Algérie. Attentif à s’adapter aux réalités, Lyautey, qui vient d’Algérie, intervient : « Soyons sûrs qu’il va se former très vite une jeunesse ambitieuse, se jugeant insuffisamment employée, apprenant le français et qui, dè
gestion des affaires publiques. »
 Les premiers officiers sont formés par les Bureaux Arabes d’Algérie.

Le général Juin connaît le Maroc depuis 1913 ; il connaît donc l’esprit de Lyautey. Mais les relations avec le Palais sont désormais difficiles. 
 

Pendant la deuxième guerre mondiale, les officiers des A.I., devenus « civils »  travailleront à accroitre le potentiel militaire des forces françaises du Maroc. Preuve de la fidélité et de la confiance des Marocains, aucune dénonciation ne sera faite auprès de la Commission d’Armistice allemande.

En 1947, Le général Juin craint que le Sultan ne veuille brûler les étapes. Effectivement, dès 1950, lors d’un voyage à Paris, le Sultan demande l’abrogation du traité de protectorat.

La puissance croissante du mouvement de l’Istiqlal précipite les événements. Mais, dans l’intérêt du Maroc, et avec l’appui du Roi Mohamed V, les officiers des A.I. aideront les nouvelles autorités qui se mettent en place dans la dignité, pour éviter le chaos.


RECRUTEMENT

Il faut passer par le « Cours des A.I. » sauf si on a donné satisfaction en Algérie, au Maroc ou en Tunisie. Il faut être à la fois un homme de guerre, un homme politique et un homme de paix. Lyautey aimait répéter cette phrase du philosophe Alain : « Les entreprises sur les choses ne réussissent que par l’esprit, qui est cultivé comme la première des valeurs. »

Le nombre d’officiers a varié entre 194 en 1913 et 580 avant la seconde guerre mondiale.

Les programmes comportaient l’étude des langues arabes et berbères, la connaissance du Maroc, l’étude du droit musulman et du droit coutumier berbère, les techniques du génie rural, et même des cours d’équitation jusqu’en 1939, tout ceci en neuf mois à Rabat. Un adage énoncé en arabe littéraire : « radjouloune lourhataïni radjoulani » (un homme qui parle deux langues vaut deux hommes).

Il faut savoir que Bonaparte a créé les interprètes militaires de l’armée d’Égypte. En 1830,  est formée la première brigade des interprètes et guides d’Algérie, qui seront affectés aux Bureaux Arabes. Lors de la conquête du Maroc, les officiers interprètes seront à la hauteur de leur tache.

Le service des Affaires Indigène ne comporte pas en principe de sous-officiers, mais il y a des sous-officiers de goums, qui sont gens d’initiative, et qui s’engagent pour avoir davantage de responsabilité et d’indépendance dans l’action.

LE MAKHZEN

Ce mot, en arabe, signifie « gouvernement ». Les tribus makhzen étaient la base de la garde de la dynastie et des garnisons des villes impériales. Dans un poste d’Affaires Indigènes, il y a de 12 à 24  mokhaznis, à pied ou à cheval. Le véritable uniforme, c’est le burnous bleu de roi. Tous les Marocains du bled reconnaissent à ce vêtement que son porteur est un homme du gouvernement et sont saisis de respect … et parfois de crainte. Mais dans la très grande majorité les mokhaznis se sont montrés honnêtes et fidèles à leur "hakem", alors que pour le dissident, le burnous bleu c’était l’ennemi. Très souvent médaillés militaires, ils ont bien mérité de la France et du Maroc. 


On lira avec intérêt l'excellent article de Jacques Frémeaux dans le site "Persée" (1997) :

https://www.persee.fr/doc/remmm_0997-1327_1997_num_83_1_1772

Les mokhaznis sont propriétaires de leur cheval qu'ils ont acheté et qu'ils remboursent petit à petit sur leur solde. C'est dire qu'ils en prennent soin ! Tous essaient de suivre leur chef, leur "hakem" dans ses différentes affectations.


Une histoire vraie : Un matin, se présente au Bureau  un magnifique berbère, fusil "Gras" (modèle 1874, réemployé dans les Affaires Algériennes, 80 ans plus tard) à l'épaule. Sa djellaba aux rayures noires et marron foncé est serrée par  un ceinturon de cuir. Sa tête brune, énergique,  aux yeux noirs vifs est entourée d'une barbe noire bien taillée. Sa démarche tient du félin : c'est le facteur, qu'on surnomme "Tomobil".


Après avoir fait l'échange du courrier, Tomobil repart aussitôt. Sans presque s'arrêter, il cheminera le long des pistes de montagne pendant 8 heures, à l'allure de 8 km à l'heure ! Qu'il neige, qu'il pleuve, ou que le soleil soit lourd, brûlant, son allure demeurera régulière ... Chapeau !


 Autre  témoignage entre autres : celui sur le makhzen monté d'Assa : l'unité de 60 méharistes montés doit supporter les servitudes d'un poste des A.I. et remplir les missions d'un peloton à la place d'un Goum saharien : il faut être employé par roulement de moitié pour assurer l'entretien permanent au pâturage d'un animal sur deux. Et si on lâche les méharistes dans la nature avec la tribu, ce n'est pas souhaitable car les individus, trop loin et trop longtemps livrés à eux-mêmes sont parfaitement inutiles du fait des liaisons impossibles (on remarquera que les postes radio portatifs n'existaient pas encore).

Et attention, si les pâturages viennent à manquer, ils doivent être remplacer par de l'orge. Cette nourriture ne peut être employée longtemps, car le chameau, essentiellement fragile malgré ce qu'on peut en penser, la supporte mal et lui préfère de loin la végétation.

Moussem d'El Jadida
 Le moussem, appelé également waada en Algérie, ou agdud en berbère, désigne en Afrique du Nord une fête régionale annuelle qui associe une célébration coutumière, qui peut parfois être religieuse à des activités festives et commerciales.

 Autre histoire : Un homme nommé Zaïd a volé des armes et tué deux officiers de la légion. Il  inquiète. Il est dénoncé et tué, avec deux complices qui ont une fille à marier (12 ou 13 ans). Le chef des A.I. lui remet les biens de ses parents. Elle répond :
- C'est vous le chrétien qui avez fait mourir mon père et ma mère. Je ne sais qui avait tort ou raison. Dieu vous jugera."

Elle part, puis on frappe à la porte. La petite rentre :
- Sidi el Captan, je voudrais que tu me gardes tout ça.
- Mais tu viens de me dire que nous étions responsable de la mort de tes parents. Maintenant tu veux me confier ton bien ?
- Ce n'est pas la même chose ! Pour la mort de mes parents, j'ai dit que Dieu jugerait entre toi et eux. Mais cet argent, ces bijoux, si je les emporte, il est sûr que mes oncles me les prendront, tandis que, si tu veux bien me les garder, je suis sûre de les retrouver quand j'en aurai besoin.

Au fond, ces Français, ils ne sont pas aussi affreux qu'on l'avait dit ; la tribu n'est plus une tribu soumise, c'est une tribu "ralliée". Les adversaires d'hier sont devenus des amis. 
 
Chefs marocains ralliés

 

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